Une histoire d’arbre entremetteur

Sur une grande île inexplorée, un grand mage vivait tout, tout en haut d’une immense montagne. On aurait dit qu’étaient son plancher les nuages. Dans son jardin, des fleurs rares et sauvages, un arbre dont l’écorce servait à faire des pagnes, semblait parfois pousser jusqu’aux étoiles, surtout lorsque la fleur de feu s’endormait et que les pâles lueurs amenaient leur voile.

De l’arbre, une branche s’allongeait, s’allongeait un peu, un peu plus chaque jour. Le mage se demandait jusqu’où celle-ci comptait aller… « Voulait-elle un tour de terre faire ? ». A cette pensée il souriait, se souvenant que l’intérieur de Gaïa réserve bien souvent des surprises issues de son « amour »… un grand sevrage qui de sève dépenser devait pour se préserver des crues de tout ce qu’elle avait à donner.

Un beau jour le mage ne distingua plus le bout de la branche, le titilla l’envie de s’y agripper et de voir Jusqu’où celle-ci était allée… qui sait Les trésors qu’il pourrait encore découvrir ? Pour ses écritures de magiques grimoires, beaucoup de son temps de chimère à se nourrir il avait passé, ne profitant que de peu de soirs pour humer tout ce qu’à lui s’offrait : même son jardin il avait finit par un peu négliger. Aussi, ce fut décidé, de côté sa Melpomène il allait mettre et à l’aventure il irait…

Alors qu’il s’était attaché de nombreuses potions, des parchemins, des filins pour s’assurer et la branche suivre avec son balai, il eut la grande surprise, en sortant de sa maisonnée, d’entrevoir en passion naissante l’ombre d’une inconnue, dont une hanche dépassait de derrière l’abri où elle s’était mise.

Pendant qu’il s’avançait, elle se retourna : « Bonjour vous ! J’espère que je ne vous dérange pas… Un hiver une branche sortant des cieux, comme un dieu impoli, montra du doigt ma maison et alla jusqu’à faire coucou à la faune endormie sous le manteau des anges de l’air. Sans trop me poser de questions, l’opportunité j’ai saisie, et j’ai décidé de la suivre… Après un long chemin, de rudes épreuves qui m’ont vraiment semblées sans fin, me voilà… enchantée d’ailleurs de faire votre connaissance, que faites vous seul dans un endroit aussi isolé ? »

Le mage ne sut trop quoi répondre… « Je, je… votre présence est un enchantement ! Je vous rassure, je n’ai point commandé à la branche de venir vous déranger dans votre lieu. Je ne sais d’ailleurs pas comment cela s’est fait… Peut être un grand magicien dans votre entourage a t-il cherché à me contacter ? En tout cas, de vous voir, mes cieux sont vraiment ravis… vraiment… un plaisir, que dis-je, un délice ! »

A cela la visiteuse le regarda et lui répondit « Prémices y voyez seulement, de ce qui nous a rapproché, point d’autres questions vous devez vous poser. De tes pouvoirs, je ne savais pas que cela existait, et vous êtes plus à même que moi de savoir la magie de la création, les rouages des événements qui font que nous nous sommes rencontrés… »

Le mage et sa visiteuse, de la vague impression de se reconnaître, apprirent dès cet instant à se connaître. De leur bras allaient naître, s’étendre les bonds de leur esprit amoureux… prenant soin les jours suivants de l’arbre et de sa branche sans fin, qui, parait-il, aurait fait la demande à sa fée gardienne de changer de coin afin de s’enraciner et pointer un autre horizon, un autre chemin…

~ © Pascal Lamachère - 2002 ~