Ely­séen et la rose


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Il était une fois un jar­di­nier pas comme les autres, s’occu­pant d’une flore pas comme les autres…

Ely­séen, le jar­di­nier, venait matin et soir bichon­ner la ver­dure de son immense serre bap­ti­sée Démo­cra­ne­rie. Il arro­sait cha­que par­celle avec un liquide argenté, appor­tait du soin à toute la troupe ver­doyante, mais plus par­ti­cu­liè­re­ment à deux créa­tu­res qui avaient les faveurs de la gale­rie : une rose rouge et un chêne. Pas des que l’on trouve par­tout ! Non ! Des qui par­lent ! Enfin, qui émet­tent des sons ! Il n’y avait que quel­ques spé­cia­lis­tes qui arri­vaient à tra­duire leur lan­gage, du moins, le pré­ten­daient-ils ! Per­sonne ne pou­vait véri­fier…

La rose était res­plen­dis­sante, ses péta­les sem­bla­bles à la soie émet­taient une douce lumière rosée qui tou­chait le cœur de nom­breux visi­teurs, qui ne ces­saient de l’admi­rer. Elle ins­pi­rait à par­ta­ger, du moins en appa­rence : cer­tains se dis­pu­taient la place où ses crins rosés étaient le plus effi­ca­ces.

Le chêne était majes­tueux, ses bran­ches, ses feuilles sem­blaient inal­té­ra­bles, la cime ren­voyait une lumière bleue d’un côté et rouge légè­re­ment rosé de l’autre. Il ins­pi­rait la viri­lité, la vigueur, les esprits guer­riers, du moins en appa­rence : comme pour la rose, cer­tains se dis­pu­taient une place, celle où les rayons con­ver­geaient, mais c’était plus des cha­maille­ries d’enfants jouant dans un bac à sable.

Cer­tains sem­blaient jon­gler entre plu­sieurs, aller d’un groupe à l’autre. Il com­pre­nait ces der­niers, car pour lui, toute la flore avait son charme.

Ely­séen n’avait pas pris une ride. Il lui sem­blait tra­vailler ici depuis tou­jours. Il pen­sait faire ce qu’il fal­lait, il y met­tait tout son amour, même s’il se ren­dait compte qu’il deve­nait de plus en plus dif­fi­cile de bien pren­dre soin de la vie de sa serre, quand les grou­pes qui s’étaient for­més autour d’une créa­ture végé­tale ou une autre, se dis­pu­taient en leur sein et con­tre les autres. Les plus gros­ses affluen­ces, les plus gros­ses dis­pu­tes reve­naient par période cycli­que : tous les 5 ans, depuis un cer­tain temps, où tout le peu­ple de France devait élire sa créa­ture pré­fé­rée, et lui don­ner ainsi à elle et son groupe de fans de le diri­ger à la baguette.

Ely­séen pen­sait faire ce qu’il fal­lait, mais il se ren­dit à l’évi­dence, un jour, qu’il n’y était pas, qu’il s’était trompé… C’était un de ces jours à met­tre un Cyrano dehors… pfiout… Envolé le long nez, les tira­des, le cœur enivré… Il avait boudé la rose et choi­sit le chêne au der­nier con­cours, chêne qui avait perdu l’affec­tion de la majo­rité des élec­teurs. Grand mal lui en a pris ? Que nenni. C’est un pic, c’est un cap… c’est un tsu­nami qui a tout ren­versé la pénin­sule. Même la vic­toire, l’élec­tion du grand arbre pour le cycle en cours n’aurait peut-être pas pu rete­nir le grand gaillard. C’est du moins la réflexion que s’était faite le jar­di­nier en allant s’occu­per de la rose…

Ce jour où il se ren­dit compte à quel point il s’était trompé, Ely­séen eut l’impres­sion de tout redé­cou­vrir… En trou­vant la rose à l’ago­nie, n’émet­tant plus de lumière, se trou­vant main­te­nant dans l’ombre du chêne, toute flé­trie, il creusa un peu à côté, pour aérer les raci­nes… et tomba sur une racine du chêne… Il alla ailleurs, près d’un autre végé­tal… Même chose. Il com­prit que si cha­que créa­ture sem­blait avoir sa pro­pre âme, sa pro­pre vie, elles étaient tou­tes liées aux autres d’une manière ou d’une autre, par les ombres mélan­gées et/ou les raci­nes.

Ely­séen retourna près de la rose… Pour la pre­mière fois, il lui sem­bla com­pren­dre ce qu’elle disait, écouta ses der­niè­res volon­tés émi­ses d’une voix cris­tal­line :

« Cueille-moi, déli­ca­te­ment,
Offre-moi à une ménes­trelle
Qui a vu venir le déclin de mes frê­les.
Tu la recon­naî­tras aisé­ment,
Elle ne res­sem­ble à per­sonne,
Racon­tera mon his­toire comme Per­sonne ! »

… Il se raconte sur les che­mins que la rose des­sé­chée a été vue dans la bou­che d’une grande artiste, gui­tare à la main, racon­tant son his­toire à quel­ques pri­vi­lé­giés…




La peur est une ordure


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Un matin de Noël, je m’appro­chais de l’âtre. Il ne res­tait que des brai­ses vives, suf­fi­sam­ment pour éclai­rer un peu la pièce ; dehors, il fai­sait som­bre, des nua­ges coton­neux se doraient la face lumi­neuse et nous lais­saient que l’ombre de leurs anges…

J’avais dans les bras une créa­ture ché­tive, l’incar­na­tion de peurs, et l’idée de la jeter sur les brai­ses, geste qui me sem­blait digne d’un cadeau d’anni­ver­saire et de Noël fait au coeur, dans l’espoir que la créa­ture enflam­mée ral­lume les brai­ses, fasse la flamme renaî­tre et illu­mi­ner de la sur­face de la peau aux tré­fonds de l’âme…

Arrivé tout prêt, dans l’ultime ins­tant, une autre étrange créa­ture se jeta sur moi, me fit tré­bu­cher et m’immo­bi­lisa, me téta­nisa sans me tou­cher. Elle me toisa un ins­tant, puis cra­cha un étrange liquide sur mon corps. Elle sem­blait prête à vou­loir me tuer, à me pous­ser dans les brai­ses pour me faire flam­mes…

Une amie arriva, tenta de chas­ser la créa­ture. Cette der­nière la repoussa d’abord, la fit s’asseoir, tenta de la ligo­ter. Mais l’amie n’avait pas dit son der­nier mot ! Elle lui donna un grand coup de pieds, puis un deuxième qui la désé­qui­li­bra pour de bon… Je pus de nou­veau bou­ger, me rele­ver, aider l’amie à immo­bi­li­ser la créa­ture, pour fina­le­ment la met­tre « au feu » avec la créa­ture ché­tive…

Et la flamme fut, et la lumière chaude enva­hit la pièce, accom­pa­gnée d’un souf­fle qui ouvrit la fenê­tre, gagna les nua­ges, et le soleil d’hiver se mit à tom­ber vers les chau­miè­res, vers nos têtes, vers la terre, incarné en peti­tes étoi­les gelées qui recou­vri­raient bien­tôt tout d’un man­teau imma­culé…

Ouvrez, ouvrez
la cage de silen­ces
aux mots dits…

Ouvrez, ouvrez
la cage de l’hors temps
à l’ins­tant éter­nel…

Ouvrez, ouvrez
la cage du gris
à la vie et ses cou­leurs…

Ouvrez, ouvrez
la cage d’une sagesse sans sage
aux sages de pas­sage…

Et rions, rions, brû­lons par le rire les peurs, les pho­bies, même les plus amphi­bies !
Et vivons, vivons, une autre ronde, une ouverte à la vie, où cha­que jour se fête, sans les bor­nes de l’inter­dit, sauf cel­les qui seront pesées, dis­cu­tées, vou­lues par le for inté­rieur ?!
Et rions, rions, sou­rions, sou­rions, aimons, aimons…

Joyeux Noël !